Corinne Townley, Mourir de mort violente dans le duché de Savoie au milieu du XIXe siècle, d’après les procédures de non-lieu du sénat de Savoie

Au XIXe siècle, en cas de mort non naturelle mais brutale et violente, la justice sarde ouvre une procédure judiciaire pour en établir les causes et circonstances. Une fois tout acte criminel écarté et l’accident établi, le Sénat de Savoie déclare « n’y avoir lieu à poursuivre ».  Les archives départementales de la Savoie conservent un millier de ces procédures dite de non-lieu, qui reconstitue sans fard et sans folklorisme, dans un duché de Savoie encore massivement rural, la vie et la mort de Savoyards, souvent issus des couches les plus modestes de la population, les plus laborieuses et les plus vulnérables aussi. Ils sont victimes des dangers du milieu montagnard et aux rigueurs de son climat mais aussi aux accidents de bucheronnage, de débardage et de flottage des bois, aux noyades, aux accidents dans les mines et carrières ou à la menace des loups dans les alpages. Morts collectives aussi comme lors de l’incendie de Sallanches en 1840, celui de Cluses en 1840 ou dans l’avalanche qui détruit le village du Châble à Chamonix en 1847. Ce sont aussi les suicides, réprimés à l’époque, du notable à l’obscur paysan du Faucigny et l’époque des premiers accidents de montagne des Messieurs de Genève ou des Anglais venus « faire des parties de montagne ».
Ces procédures nous racontent ces petits et grands faits divers que la presse de l’époque, en dehors des grands incendies des bourgs, passe sous silence ; ces faits divers, dont la répétition finit par avoir une valeur sociale, sont les ultimes témoignages d’une société qui va bientôt disparaitre car une page de l’Histoire des Savoyards est en train de se tourner avec le rattachement de la Savoie à la France, la descente des Alpages à l’usine et l’arrivée du chemin de fer.